Cet essai de Michel Maffesoli ne délaisse pas le domaine de
la postmodernité, dont le sociologue s'est fait un des théoriciens
reconnus.
Mais il s'attaque plus précisément ici à une pensée
alourdie par les préjugés et les scléroses. Pas de révélations
de ce côté, cette
bien-pensance qui ne pense pas est toujours constituée des
mêmes : journalistes, universitaires (les inénarrables
« enseignants-chercheurs »)
et toute une frange d'« eunuques de la pensée »
plus aptes à moraliser la vie publique qu'à tenter de la
comprendre. Déconnectés du réel, ces esprits sans esprit,
arrogants et assurés de l'infaillibilité de leurs jugements,
continuent à raisonner dans l'entre-soi.
Supplétifs d'une bureaucratisation qui a déconnecté les
élites du peuple, ils contribuent à
cautionner un système fondé sur le mensonge et le simulacre.
D'où la perte de leur
crédibilité médiatiquement parlant (et qu'ils trouvent,
évidemment, injuste). On assiste dès lors à une compétition
sous-jacente entre ordre rationnel et ordre émotionnel. À
cet égard, Maffesoli
pointe cette « raison sensible » (oxymore pleinement
assumé par l'auteur) surgie face aux rigidités du rationalisme
moderne venu saturer l'idéal démocratique. Il annonce un
retour du lien social conditionné par l'imaginaire et l'immatériel
(coutumes, traditions, sagesse populaire, mythes).
Bref, un vivre ensemble qui n'a rien de fabriqué ou d'artificiel,
mais revêt une réelle signification.
Michel Maffesoli propose dans ce nouvel essai une plongée dans le naturalisme. Il est lucide sur la façon avec laquelle la modernité considère la nature, comme une chose inerte, sans âme, sans immanence dont on ne pourrait retirer un quelconque enseignement par la seule expérience. Il perçoit aussi cette dichotomie entre les puissants, installés dans leurs privilèges et préjugés, et le peuple, doté d'une « connaissance ordinaire » pleine de bon sens, qui n'a pas renoncé à s'enraciner. Si Maffesoli se fait parfois un peu trop optimiste, en particulier sur les facultés de jugement des nouvelles générations pour lesquelles le « retour aux racines » reviendrait à l'ordre du jour (c'est à voir), son essai n'en est pas moins instructif et édifiant. Notamment à l'heure où l'écologie voudrait s'accorder avec le rationalisme mondialiste et indifférentialiste. Face aux adeptes de Faust et de Prométhée, l'auteur encourage à penser autrement, non comme ces armées de bien-pensants qui disent savoir et qui ne savent pas. Nous ne sommes pas loin de penser comme lui.
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