samedi 30 juillet 2022

La ronde des enfants (Hans Thoma)

 


La polyphonie du monde (Jean-François Gautier)


Jean-François Gautier ne sacrifiait pas aux injonctions ambiantes et aux déviations mentales qui les sous-tendent. Il a rejoint les dieux en 2020. Les dieux, il les évoque dans ce livre entretien les sujets abordés ne se limitent pas cependant à eux seuls. Gautier se montre soucieux de la situation de l’Europe, non pas réduite à sa portion administrative et marchande, ouverte à toutes les migrations, mais en regard de ce qui la constitue ; ses terres, ses frontières, ses ethnies, son génie. Il nous parle des causes directes de dévitalisation et d’épuisement des consciences. Sur la polyphonie du monde, et la conception polythéiste qui en découle, le philosophe invite à s’affranchir d’une représentation monochrome de type monothéiste. Forcément, le mythe et le concept doivent être opposés aux technocraties et aux religions révélées. À cet égard, il se fait sociologue et géopoliticien, mais ne néglige pas pour autant d’aborder le domaine de l’art qui ne doit pas être évacué de l’héritage européen.

Un livre posthume pour contribuer à éclairer notre pensée. C’est tout l’intérêt de la littérature que de permettre à ceux qui nous ont quittés de continuer à nous parler.

Après l'attentat


 

Série Tann (Victor d'Usclat)

 

Un des principaux fléaux auquel notre société se trouve confrontée, c'est l'islamisme et ses dérives. Julian Tannhäuser, combattant dans la région du Waziristan (Afghanistan et Pakistan) revient en France en pleine vague d'attentats terroristes. Il réalise très vite que la démocratie et l'Etat de droit peinent à lutter contre cette violence qu'il ne veut pas voir s'installer dans son propre pays. Il prend donc la décision d'éradiquer le terrorisme, bien entendu à la mesure de ses moyens. Comme on peut s'y attendre, la République n'approuve pas les actions de ce vengeur qui signe ses exécutions du nom de Thanatos. Elle veut y mettre fin.
Tann devient donc l'ennemi public numéro un.

Au fil de la série, Thanatos, ange exterminateur de terroristes, va donc devoir combattre sur deux fronts. A quoi on peut ajouter les polices parallèles qui tentent de le récupérer après avoir réalisé qu'il pourrait bien constituer une arme redoutable une fois entre leurs mains.
Les choses n'iront cependant pas toutes seules puisque Tann n'est pas aussi contrôlable qu'on pourrait le penser.

Il va sévir dans différentes régions de l'Hexagone, avant d'être envoyé en mission très spéciale en Asie centrale, au Kirghizistan, un pays montagneux, ancienne république soviétique.
Puis au Sahel, où l'on suit de près, à travers ses péripéties, l'actualité de cette région devenue une véritable poudrière.



Bien entendu, ici comme là, les malfaisants vont encore apprendre à connaître la force de frappe de Tann et de ses alliés (car il en a parfois).

L'auteur, Victor d'Usclat, dont on ne sait pas grand-chose sinon qu'il est très documenté (trop ?) sur les sujets qu'il traite, a rédigé depuis 2020 quatre volumes de la série. Les remerciements en fin d'ouvrage nous signalent qu'il s'entoure d'une petite équipe qui le seconde, semble-t-il, efficacement dans sa tâche. Le style et le propos tranchent résolument avec la production actuelle, plutôt conformiste et formatée.





Les intrigues sont plausibles, on ne s'ennuie pas à suivre les personnages, pour la plupart attachants, dans de multiples rebondissements, et en plus on ne lit pas idiot.

Autant d'ingrédients qui font de cette série une belle réussite.

mardi 19 juillet 2022

Mucem, Marseille


 

Les Vraies Richesses (Giono)

 


Les Vraies richesses est un écrit dédié « à ceux du Contadour ». Giono y expose les raisons qui l'ont poussé à en rédiger la matière. Il propose à ses lecteurs d'organiser une montée à l'endroit qui lui a inspiré le plateau Grémone de son précédent et flamboyant roman Que ma joie demeure. L'écrivain et ses compagnons quittent Manosque pour gagner en deux jours le Plateau de la montagne de Lure. Giono se blesse au genou la petite troupe est immobilisée dans le petit village du Contadour. « Tout a commencé là. Nous ne sommes partis qu'après avoir acheté tous ensemble une maison, une citerne et un hectare de terre autour. Là est désormais notre habitation de l'espoir. » , au Contadour, entouré de ses compagnons, tandis qu'au-delà s'étend « l'élargissement de la vie du monde », Giono éprouve une infinie sensation de bien-être, celle où s'expriment les authentiques valeurs. C'est avec cette vision à l'esprit qu'il compose Les Vraies Richesses. L'écrivain, en poète, déploie ici tout son talent et sa puissance d'évocation. Le terroir, la ruralité, les paysages éternels, les bergers, les paysans. Il déplore la vie des villes où tout est corrompu et voué à la complication. Dénonçant ce monde plein d'artifices et d'inutiles rutilances qui voudrait s'imposer à tous. Un discours qui n'a rien perdu de son mordant.

Johann Heinrich Füssli, Le cauchemar (1781)


 

Les Horreurs de la démocratie (Gomez Davila)

 


L'écrivain colombien Gomez Davila est essentiellement connu pour ses aphorismes. Genre devenu rare depuis La Rochefoucauld et ses confères moralistes, mais que Davila maîtrise à la perfection.

C'est moins obscur que du Cioran et toujours percutant. Qui plus est, l'auteur se déclare peu démocrate, antimoderne et antilibéral, ce qui ne gâche rien. Quoi de plus parlant pour donner envie d'aborder son œuvre, et en particulier ces Horreurs de la démocratie, que ce petit florilège ?

« La civilisation occidentale est une avalanche d’articles de luxe, élaborés par des parasites, destinés à être consommés par des oisifs. »

« N’espérons pas que la civilisation renaisse, tant que l’homme ne se sentira pas humilié de se consacrer corps et âme à des tâches économiques. »

« L’industrie moderne est l’ensemble des activités qui procurent enrichissement et ascension sociale à des gens qui ne devraient remplir que des fonctions de domestiques. »

«  Celui qui cherche la ''vérité de son temps'' ne trouve que les lieux communs du jour. »

« Douter du progrès : voilà l’unique progrès. »


Lac de Silvaplana au solstice d'hiver.


 

Ainsi parlait Zarathoustra - Aurore (Frédéric Nietzsche)

 



Voici l'évangile des Hyperboréens, autrement dit des bons Européens. Ce à quoi nous étions en droit d'aspirer après deux mille ans de monothéisme intransigeant. Nietzsche en rédige les pages principales en altitude, dans la lumière épurée de l'Engadine. Zarathoustra, c'est ce vieillard plein de jeunesse et de vitalité (assez voisin du prophète perse Zoroastre) qui descend de sa montagne dans l'espoir d'enseigner à tous que « l'homme est quelque chose qui doit être surmonté ». Mais il se heurte à la population du monde des plaines, urbanisée, anémiée. Et sa déception sera grande. Cependant, ses péremptoires sentences, et ses paraboles ne se sont pas envolées. Elles constituent un bréviaire contre la médiocrité, la maladie, bref tous ces préceptes égalitaires et cette compassion qui indisposaient tant Frédéric Nietzsche.

Une lecture pas toujours facile mais qui aère les neurones et dope le mental.






« Il y a tant d'aurores qui n'ont pas encore lui. » Cette citation en exergue du livre de Nietzsche, tirée du Rig-Veda, annonce la couleur. Dans ces pages, notre éducateur patenté, partisan de philosopher à coups de marteau, rend hommage à la pensée qui appartient à l'aurore des temps, toujours actuelle. En particulier celle des Grecs, au sens hellénistique. Civilisation qui, partie de rien, nous a laissé un formidable héritage. Et à propos de laquelle Nietzsche écrit : « Les Grecs nous offrent le modèle d'une civilisation et d'une race devenues pures : espérons qu'un jour il se constituera aussi une race et une culture européennes pures. » L'aurore est ce qui succède à la nuit. C'est vers elle qu'il faut tourner nos regards, elle seule peut nous enseigner comment s'élever toujours plus haut, en aéronaute de l'esprit.

A Condom


 

Les Trois Mousquetaires (Alexandre Dumas)

 


Dumas, écrivain populaire, auteur de littérature alimentaire (il tirait parfois à la ligne et n'était pas là à son meilleur), a exploré bien des domaines du récit historique. Il plante le décor des Trois Mousquetaires sous le règne de Louis XIII et de son âme damnée le cardinal de Richelieu, et il écrit son chef-d’œuvre (auquel il serait injuste de ne pas associer Vingt ans après qui en est la suite, tout aussi talentueuse). Il ne s'agit pas là d'un simple récit de cape et d'épée mais d'une succession d'aventures et d'affaires où l'histoire de France se révèle dans toute sa complexité, ses victoires comme ses lâchetés. On suit sans décrocher les péripéties de ces quatre intrépides Gascons vivant dangereusement mais vivants !, adeptes de l'honneur comme des plaisirs de l'existence. Une lecture trop souvent et injustement réduite à un public jeune, même si le propos est alerte et plein d'alacrité. À lire ou à relire pour savourer une histoire habilement troussée où les valeurs morales sont toujours élevées.

Knut Hamsun à Paris (rue de Vaugirard)



 

Vagabonds (Knut Hamsun)

 

La France a Giono, la Suisse a Ramuz, la Finlande a Paasilinna, l'Amérique a Jack London, la Norvège a Knut Hamsun, prix Nobel 1920. Hamsun, raconte souvent, avec la langue rude de son pays, qui ne l'est pas moins mais qu'il sait rendre attachant, des histoires de vagabonds. Vagabonds est le premier volet d'une trilogie où l'on retrouvera ses personnages centraux, August et son compagnon Edevart. Ces deux-là, ensemble ou séparément, cinglent au large vers les îles perdues, sillonnent les fjords, séjournent dans les fermes ou bourgades isolées, font des affaires, connaissent l'adversité dont ils finissent le plus souvent par triompher, et tombent amoureux. Avec leurs faiblesses et leurs défauts, ils errent tout en demeurant attachés à leur terre, à leur village – village dont Vagabonds est aussi l'histoire. Autour d'eux, l'infinité des paysages du Nordland, mais aussi des figures hautes en couleur, parmi lesquelles de belles femmes, comme savent l'être encore les habitantes du Nord. Dans ce roman, comme dans tous les autres, Hamsun démontre qu'il est un écrivain majeur de notre patrimoine littéraire européen.

Cathédrale de Bourges


 

Les Etoiles de Compostelle (Henri Vincenot)

 




Henri Vincenot est un écrivain malicieux mais aussi plein de ressources quand il s'agit de traiter de la longue mémoire et en particulier du génie européen qui la marque. À travers l'histoire de l'essarteur Jehan le Tonnerre et d'un vieux prophète détenteur de secrets millénaires empruntés aux druides, l'auteur convie le lecteur à pénétrer dans les arcanes de l'art roman et des constructeurs de cathédrales. On navigue dans la Bourgogne du XIIIème siècle, entre païennie et chrétienté (tendance cistercienne), avec de nombreuses références appuyées à la civilisation celte. On pèlerine du Sud Morvan jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle en s'initiant. La Vouivre, la Sublime Proportion, les secrets de Vézelay ; on apprend beaucoup à suivre les péripéties des protagonistes de ce magistral roman.

Amanite phalloïde

 


Décadence (Michel Onfray)

 


Onfray a abandonné depuis longtemps la ligne commode du politiquement correct. Il dirige une intéressante revue intitulée Front populaire et continue à publier des livres à un rythme effréné. Décadence est le second tome d’une trilogie qui commence avec le panthéiste Cosmos et s’achève sur le philosophique Sagesse. Ce volume nous a paru d’un haut intérêt puisqu’il s’attaque au judéo-christianisme dans tout ce qu’il a de néfaste et de délétère pour notre civilisation. Cet inventaire est édifiant. De Paul le prédicateur fou au concile de Vatican II, le règne du monothéisme aura entraîné l’Europe dans un processus de décadence qu’Onfray décrit par le détail tout au long de ces 800 pages. L’Inquisition, les croisades, les guerres de religion, la Révolution, les totalitarismes soi-disant athées et matérialistes mais qui fonctionnent comme des religions (intéressantes informations sur un Hitler qui aurait eu des accointances avec le christianisme, à prendre ou à laisser…). Tout est lié. La secte prosélyte est parvenue à triompher de Rome au point d’y installer carrément son Église. L’ennemi était d’abord dans la cité, et non aux frontières de l’Empire… Une réalité qu’on a tendance à oublier dans nos sociétés contemporaines gangrenées pas l’intégrisme religieux.

A Tours


 

Le Quartier des antipodes (Arnaud Bordes)

 


Arnaud Bordes n’est pas très contemporain. Pour commencer, ses goûts en matière de littérature s’orientent plutôt vers les classiques, quelquefois oubliés, mais d’un temps où les auteurs savaient écrire. Ces bonnes fréquentations ont influé sur la composition de ce Quartier des antipodes. Mais sans rien de surprenant pour qui est habitué à côtoyer Bordes, dont chacun des livres porte en lui l’exigence dun style où la phrase est sûre, la langue riche. Il faut dire que les références de l’auteur sont des pointures de la taille de Nerval, Gautier, Alain-Fournier ou Mérimée qui apparaissent, du reste, au détour de ces nouvelles comme autant d’hommages rendus. Nouvelles sombres, voire gothiques, mais dont les horizons sont considérablement élargis. Au gré des récits des narrateurs de ces histoires, histoires dans l’histoire, le lecteur est transporté dans des lieux à haut risque. Du Paris de Nerval, à la mer des Caraïbes, en passant par le pays de Galles, le Caire de Méhémet Ali et le désert, les tranchées de 1914, le Stalingrad de 1942, et le ventre de souterraines et labyrinthiques galeries. Comme dans les nouvelles de Bordes, on croise des personnages jamais très ordinaires, tout droits sortis de l’imagination de l’auteur ou projections de la réalité (on se souvient des deux figures émergentes d’Annemarie dans Pop conspiration et de Jeanne Sixte dans On attendra Victoire, mais aussi de la galerie de portraits de son Magasin des accessoires). Ils sont flibustiers, reîtres, poilus, aristocrates, écrivains, actrices, catins, mais aussi présences innommables, tapies dans l’ombre, préfigurant la mort. On sent nécessairement planer sur ces pages des atmosphères lourdes, poisseuses, glaçantes. Il faut oser fréquenter Arnaud Bordes, s’immerger dans ses fascinants univers. Indifférent aux modes, il construit une œuvre à part, d’une grande exigence et qui laisse loin derrière bien des productions actuelles.

Sur le mont Aigoual

 


Incidences – Carnets 2018-2021 (Raymond Espinose)

 

Ce quatrième volume des carnets d’Espinose. près de 400 pages, est d’un réel intérêt et ne dépare pas les autres. Y prennent place trois années marquées par la perte d’un être cher, une rencontre imprévue et toujours l’amitié. Outre les nombreuses considérations émises sur la littérature – en particulier celle qu’on affectionne –, la vie au jour le jour du palois Espinose (également homme d’action puisqu’il s’adonne à la course à pied et à la randonnée) est mise en perspective avec des questionnements majeurs, des ruminations et une façon de concevoir, de recevoir, le monde distanciée mais stimulante. Les thèmes abordés sont nombreux et ne laissent pas indifférent. Il y est question de la mort, de lexistence de Dieu, de l’importance de se souvenir des choses essentielles, comme d’une jeunesse heureuse mais mouvementée et pleine d’excès, en passant par la nécessité d’être anarchiste tout en ne perdant pas de vue les nombreux méfaits du libéralisme et de la société ouverte à tous les vents. Même si Espinose annonce que ces carnets seront les derniers, on voudrait n’y pas croire. L’écrit intime sied à cet écrivain qui mériterait une audience beaucoup plus importante, d’autant qu’il a publié par ailleurs des romans et essais dont nous avons signalé l’intérêt et la qualité dans ce blogue.

Tombe d'Albert Camus, à Lourmarin




 

La Peste (Albert Camus)

 



Certains ont vu dans La peste un roman derrière lequel se profile la résistance au nazisme. Camus a sans doute fini par s’en persuader. Le livre, publié en 1947, au sortir de la guerre, pourrait en effet le laisser penser. Mais quand on lit ce récit d’une épidémie survenue au cœur de la ville d’Oran, le lecteur est plus enclin à croire tout simplement à une histoire d’épidémie. Une lecture contemporaine le plonge en tout cas dans un décor qui ne relève plus de la fiction. Contagion, décès, confinement, masques, vaccin (manque plus au tableau que le passe sanitaire que la technique de l’époque ne permettait pas d’appliquer). Mais on est là plus près du Journal de l’année de la peste, de Daniel Defoe, que du 1984 d’Orwell. Car on ne trouvera guère de considérations politiques dans ces pages. Chaque personnage va évoluer au sein de cette ville fermée au monde extérieur selon sa sensibilité. Il y a ceux qui voudraient s’en échapper, ceux qui se vouent à sauver des vies et les trafiquants qui profitent de la situation pour s’enrichir. Sous la plume de Camus, Oran devient le microcosme d’une société en crise (où l’on ne voit d’ailleurs assez bizarrement n’évoluer que des Européens, et principalement mâles). Cela pourrait être une analogie de la guerre et de l’occupation allemande (vous avez dit « peste brune » ?), mais le lecteur y voit bien le propos qu’il faut y voir. D’ailleurs, les ventes du livre ont connues une très sensible hausse depuis le début de l’épidémie du virus chinois.

Au musée Giono, à Lalley




 

L’iris de Suze (Jean Giono) - Un Roi sans divertissement (Jean Dufaux et Jacques Terpant)

 


Le chant du cygne de Giono est L’Iris de Suze, paru l’année de sa mort. L’écrivain sentait sa fin venir et souhaitait visiblement boucler la boucle. C’est pourquoi on retrouve dans ce roman l’atmosphère de ses premiers écrits, en particulier la « trilogie de Pan » et Le serpent d’étoiles. Ce récit nous conduit sur les chemins de la transhumance jusqu’à l’estive des hautes crêtes du Chiran, au-dessus des gorges du Verdon. Parcours qui s’achèvera dans le village de Quelte, son château et ses locataires marqués par le destin. L’histoire pourrait être simple et linéaire, il n’en est rien. Giono campe un décor où l’atmosphère est à la fois pesante et légère. Dans le cadre des paysages grandioses de la haute Provence, il fait évoluer des personnages aux comportements et motivations qui n’ont rien d’ordinaire : le bandit en fuite Tringlot, le bouvier Louiset, le guérisseur et passionné par les squelettes d’oiseaux Casagrande, le riche maréchal-ferrant Murataure, fou d’automobile, la Baronne et la belle « Absente ». Quelques-uns, moins taiseux que les autres, s’expriment – considérations, confidences, révélations –, tandis que l'essentiel est tu ou laissé en suspens. C’est ainsi que Giono, en habile conteur, égare son lecteur pour mieux le ramener ensuite à l’essentiel. Un grand moment de lecture l’écrivain déploie toute sa poésie.

 


Après avoir adapté des romans de Jean Raspail en BD, le dessinateur Jacques Terpant fait équipe avec le scénariste Dufaux (ils ont déjà signé ensemble Le Chien de Dieu, hommage à Céline, et Nez-de-Cuir, adapté du célèbre roman de La Varende) pour s’attaquer à un livre maître. Grand lecteur de romans policiers, Giono s’est essayé au genre en rédigeant cette sombre histoire au cœur de l’hiver, entre Trièves et Vercors. L’entreprise s’annonçait ardue. Mais, plus qu’une adaptation, c’est un vibrant hommage à Giono, écrivain du terroir, qui nous est proposée. Les auteurs l’imaginent rencontrant ses propres personnages. Terpant se portraiture. Langlois, héros de l’histoire, auparavant mis en scène dans Les récits de la demi-brigade, est remarquablement rendu. Ces ingrédients font de ce travail une réelle réussite.