Arnaud Bordes n’est pas très contemporain. Pour commencer, ses
goûts en matière de littérature s’orientent plutôt vers les
classiques, quelquefois oubliés, mais d’un
temps où les
auteurs savaient écrire. Ces bonnes fréquentations ont influé sur
la composition
de ce Quartier
des antipodes.
Mais sans rien de
surprenant pour qui est habitué à côtoyer Bordes,
dont chacun des livres porte en lui l’exigence d’un
style où la phrase
est sûre,
la
langue riche. Il faut
dire que les
références de l’auteur sont des pointures de la taille de Nerval,
Gautier, Alain-Fournier ou Mérimée qui apparaissent, du reste, au
détour de ces nouvelles comme
autant d’hommages
rendus.
Nouvelles sombres, voire gothiques, mais dont les horizons sont
considérablement élargis.
Au gré des récits des
narrateurs de ces histoires, histoires
dans l’histoire, le
lecteur est transporté
dans
des lieux à haut
risque. Du
Paris de Nerval,
à la mer des Caraïbes, en passant par le
pays de Galles, le Caire
de Méhémet Ali et
le désert, les
tranchées de 1914, le Stalingrad
de 1942,
et le
ventre
de souterraines et labyrinthiques galeries.
Comme dans les nouvelles
de Bordes, on croise des
personnages jamais très
ordinaires, tout
droits sortis de l’imagination de l’auteur
ou projections de la réalité
(on se souvient
des deux
figures émergentes d’Annemarie
dans
Pop conspiration
et de
Jeanne Sixte dans
On attendra Victoire,
mais
aussi de la galerie de portraits de son
Magasin des accessoires).
Ils sont flibustiers,
reîtres,
poilus, aristocrates,
écrivains, actrices,
catins, mais
aussi présences
innommables, tapies dans
l’ombre, préfigurant
la mort. On sent
nécessairement planer sur ces pages des atmosphères lourdes,
poisseuses, glaçantes. Il faut oser fréquenter Arnaud Bordes,
s’immerger dans ses fascinants univers. Indifférent aux modes, il
construit une œuvre à part, d’une grande exigence
et qui laisse loin derrière bien
des productions actuelles.
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