On sait en compagnie de qui Bardolle voyage : H. G. Wells, Ortega y Gasset, Péguy, Bernanos, Lévi-Strauss, Baudrillard, Debord, Serge Latouche... Pas franchement des penseurs et écrivains « en phase avec leur époque », pour reprendre un terme cher aux gardiens de la pensée unique. Bardolle annonce la couleur dans son petit texte Le délicieux vertige de la dissolution. Car c'est de décadence et de dissolution que l'auteur va nous entretenir tout au long de cette suite d'essais parus entre 2003 et 2012. Ceux qui ne connaissent pas Olivier Bardolle découvriront un style sans forfanterie ou circonvolutions, émaillé de pertinentes réflexions. Il y en a, dans ces presque 800 pages, pour tous les goûts. Des fragments : Le Monologue implacable, dédié à Cioran, et La Vie des jeunes filles, dont les adeptes du féminisme pur et dur aux œillères étroites doivent absolument s'abstenir de la lecture. Après une réflexion sur le mensonge (Du ravage du manque de sincérité dans les relations humaines), Bardolle confie son pessimisme sur le devenir de notre civilisation (L'agonie des grands mâles blancs sous la clarté des halogènes). Il signe un Petit traité des vertus réactionnaires, dédié à Philippe Muray et à peine moins réjouissant (mais assez jouissif) et préfacé par Éric Naulleau. Également à lire, une très lucide étude sur la littérature d'où il ressort que celle-ci n'est désormais que ressassement et qu'il n'y a à sauver de notre époque, semble-t-il, que quelques phénomènes, en l'occurrence Proust, Céline et... Houellebecq. Bien entendu, ce n'est pas exprimé aussi crûment, mais le propos ne manque pas d'intérêt. En tout cas, le « parisianisme autosatisfait ne date pas d'aujourd'hui ».
Pour
celles et ceux qui n'auraient pas fréquenté Bardolle, c'est le
moment de se lancer. Je vais peut-être faire grincer des dents, mais
il me semble plus essentiel que Muray qui tournait un peu en rond
dans le giron de ses obsessions (paix à son âme tout de même). En
tout cas, cette Vie des hommes,
des jeunes filles et de bien d'autres entités, vaut le détour.
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