Comme
le fait remarquer Rémi Soulié, la pensée de Nietzsche, en ce
qu'elle est fragmentaire, trouve une correspondance avec les membres
dispersés de Dionysos. Mais elle est surtout tellement riche qu'on
peut encore lui trouver des sens cachés ou proposer de nouveaux
angles d'éclairage. En faisant le pari de déceler une sagesse dans
le mythe du dieu au thyrse, Rémi Soulié n'ignore pas ce qui
caractérise celui-ci : passion, enthousiasme, ivresse, fête,
folie, à quoi s'ajoute ce tempérament tragique qui fut source
d'inspiration principale du théâtre antique. Mais Dionysos est
aussi un poète virtuose de la danse et adepte de la vie intense. Si
l'on doit voir en lui de la sagesse, ce n'est pas celle qui s'ébat
en tout cas dans un monde d'esclaves devenus maîtres et de forts
fragilisés. Cette sagesse divine ne se nourrit pas de modération et
de tempérance ; elle n'est pas vie calculée, encombrée de
malades et d'apothicaires, d'où on aura évacué le maximum de
risques. Nietzsche l'énonce sans détours :
« C'est la
folie qui aplanit le chemin de l'idée nouvelle (…), les hommes
d'autrefois étaient bien plus près de l'idée que là où il y a de
la folie il y a aussi un grain de génie et de sagesse. » Le
sage dionysien est celui qui dit oui à la vie, c'est-à-dire
à soi-même et à toute l'existence. Donc un élément qui a pris
ses distances avec l'esprit de troupeau, un entrepreneur de
démolition et un créateur. Voilà la sagesse au sens extra-moral.
Cet
essai, étayé de percutantes citations, enchantera ceux qui se sont
donné pour compagnon de route l'ermite de Sils Maria, mais aussi les
amateurs de mythe et de philosophie non conforme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire