En
territoire ennemi, Didier Goux s'y sent assurément. Il n'est qu'à
aller consulter son blogue. Ses réactions vis-à-vis de cette
époque, à laquelle décidément il s'accorde avec difficulté et
qui nourrit son inspiration, ne s'adressent ni aux tièdes ni aux
repentants... Mais ce livre qui puise dans ses textes livrés à la
Toile est loin d'être une compilation de ruminations et d'humeurs.
On trouve dans ces pages des réflexions, des analyses parfois d'un
jour, parfois plus profondes mais d'une grande lucidité. Ce sont
celles, tour à tour d'un citoyen (quoique ce terme ne soit pas le
plus approprié pour un anti-moderne de la trempe de l'auteur), d'un
lecteur compulsif, d'un époux, d'un mâle blanc hétérosexuel
modérément chrétien et qui aime la vie et ses plaisirs. Au sein de
ces 400 pages, il y a ce qui fut : principalement la musique et
la littérature (Proust, Dostoïevski, Balzac...) ; des âges
révélateurs d'une culture servie par de réels talents et appelée
à nous survivre. Il y a aussi cette époque, « la nôtre »,
envers laquelle Goux se montre nettement plus polémique et
intempestif. Il y évoque la figure de son ami Renaud Camus et de
Philippe Muray (avec lequel Goux écrivit en alternance quelques
centaines de volumes de la série Brigade Mondaine !).
On pourra lire dans cette section ses plus percutantes formules,
telle celle-ci : « (…) nous plaignons les malheureux
progressistes de continuer à errer comme ils font dans les
brouillards de leur jeunesse attardée »... Et puis il y a ce
qui est éternel, pas toujours visible, les choses, la condition
humaine et animale. C'est, le plus souvent, une succession de
scènes vues ou vécues qui peuvent sembler anodines et
innocentes mais que l'auteur, peu enclin à sacrifier à l'air d'un
temps saturé par l'ingénuité
de l'idéologie des droits de l'homme, replace dans la réalité
de leur dimension. Les voyages en train, le mariage, le rituel des
apéritifs, le tourisme de masse, l'Éducation nationale, le droit du
sang, l'homophobie, la religion, la grande famille du monde de
l'édition et du cinéma, le bon emploi des mots, les méfaits du
communisme et de l'islam, le journalisme (milieu que Goux connaît
bien pour travailler dans la presse
à scandale), les blogueurs, et bien plus encore :
dans ces textes, où se mêlent habilement sagacité et alacrité,
chacun trouvera largement de quoi picorer et faire son miel.
jeudi 2 avril 2015
Le Songe d'Empédocle (Christopher Gérard)
Le précédent
tirage de ce roman étant épuisé, et eu égard surtout à sa
qualité, il était souhaitable de procéder à une réédition (première parution en 2003). C'est chose faite avec, en
prime, une version révisée par l'auteur.
Qui n'a pas connu ou fréquenté Christopher Gérard découvrira un écrivain digne d'une civilisation qui ne cherche pas à se fondre dans l'universalisme et la globalisation ambiantes ; une civilisation - nous dirons : indo-européenne - animée par les mânes et la pensée de ses grands anciens,
héros, éducateurs et esprits intrépides. Depuis Jünger et Montherlant, peu nombreux sont, hélas, les auteurs qui ont un
héritage à transmettre. Avec Le Songe d’Empédocle, pour ainsi dire au cœur de l'œuvre de Christopher Gérard, la relève semble assurée.
Celui-ci a rejoint en effet le cercle très fermé des
authentiques écrivains païens qui, contre bigots et dévots, ont fait le choix de consacrer au vaste monde des sens et des
idées. Il n’est pas anodin que Jean Mabire, Gabriel Matzneff,
Alain Daniélou (et peut-être aussi Arno Breker...) soient évoqués
dans cette histoire. Ces
figures n'ont-elles pas brandi le flambeau d'Athènes, de Rome, d'Avalon, de
Bénarès et, plus généralement, d'une transcendance qui aura forgé
l'âme d'une grande civilisation ? Du moins Oribase, le
héros de Gérard, voyage-t-il en excellente compagnie. A sa suite,
le lecteur se trouve convié à emprunter un itinéraire qui ne doit rien
à l’errance et au hasard. De la forêt de Brocéliande aux rives
du Gange, en passant par le Capitole, le jeune homme franchit peu à
peu les étapes de son
initiation auprès de quelques sages, hommes remarquables,
éveillés et initiés dont on n'ose plus croire à l'existence.
Un parcours hautement édifiant où l'on sent que l'auteur s'est
investi pour fournir au lecteur (attentif !) une multitude de
pistes, de repères et d'indices, l’encourageant à échapper à la
médiocrité, à l'exténuation et à la perte de mémoire.
Plus qu'un hommage sincère aux dieux et à la volonté d’être, ce livre invite à une incursion dans le champ
du possible tout à fait stimulante.
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