Il y a (en gros)
d'un côté l'Anglo-Saxon et le communiste, de l'autre l'art et
l'aristocratie. Deux poids, deux mesures, deux visions du monde, deux
officines pour lesquelles « la réalité est dans la
grotte »... Murcie et Morvan, ainsi que leurs exécuteurs, sont
les acteurs occultes – très occultes ! – d'une série de
complots et de règlements de comptes ancrés dans l'Histoire
européenne et qui pourraient expliquer, s'ils étaient connus, la plupart de ses bouleversements. Londres, Ostende, le Havre, Lyon, Pau (depuis
laquelle Arnaud Bordes distille ses abyssales révélations... pour
reprendre une expression chère à Jean Parvulesco qui traverse ces
pages) sont les lieux où se préméditent et se commettent des
meurtres nécessaires. Annemarie Pop, belle et insouciante à ses
heures, fait le vide. Elle a suivi un entraînement dans un camp du
fin fond de l'Auvergne et use de lames de marques réputées. Mais
comme il a été déterminé qu'elle avait trahi, elle doit donc être
éliminée à son tour... Un voyage halluciné à plusieurs voix et à
entrées multiples, une spirale infernale, un récit qui se lit et,
surtout, se relit pour en saisir toute la délétère substance.
mardi 28 juillet 2015
Pop Conspiration (Arnaud Bordes)
Géographie de l'instant (Sylvain Tesson)
Mais, sous bien d'autres horizons, il
trouve matière à exprimer
sa différence, et l'abîme qui le sépare parfois de la condition de
ses semblables (même s'il lui faut parfois savoir sacrifier aux
obligations et impératifs germanopratins). Et quand il manifeste sa
réprobation, il ne va pas toujours dans le sens du politiquement
correct. Nous n'en sommes pas dupes, le statut d'écrivain-voyageur
implique le plus souvent un attachement modéré à un système qui
déploie essentiellement ses tentacules au sein des métropoles et
que sous-tend un relativisme utopique, relativisme en fait tout
« relatif » propre aux sociétés occidentales. Par
exemple, dans le Paris socialiste, on ne fête pas le carnaval ou la
fin du carême mais le nouvel an chinois ou la fin du ramadan.
Comment aimer le Paris socialiste, et le Paris tout court, cette
figure moderne de l'Urbs ? Là est toute la question quand les
vastitudes vous appellent...
Quant aux livres qui l'ont accompagnés,
peut-on dire qu'ils ont contribué à faire de Tesson un homme
complet, homme d'action autant que de pensée ? Sans doute du
fait que ses lectures ne sont pas anodines. Qu'on en juge :
Hamsun, Matzneff, Cioran, Nietzsche, Schopenhauer, Jünger, Mishima,
Morand ou Keyserling. Nous
avions eu un aperçu de ces viatiques lors de la lecture de Dans
les forêts de Sibérie,
déjà chroniquée dans ce blogue. Du reste, cette Géographie
se termine sur un magistral éloge de la lecture. (« Le livre
sacre le lieu où il est lu. ») Et la boucle est bouclée.
lundi 27 juillet 2015
Nietzsche ou la sagesse dionysiaque (Rémi Soulié)
« C'est la
folie qui aplanit le chemin de l'idée nouvelle (…), les hommes
d'autrefois étaient bien plus près de l'idée que là où il y a de
la folie il y a aussi un grain de génie et de sagesse. » Le
sage dionysien est celui qui dit oui à la vie, c'est-à-dire
à soi-même et à toute l'existence. Donc un élément qui a pris
ses distances avec l'esprit de troupeau, un entrepreneur de
démolition et un créateur. Voilà la sagesse au sens extra-moral.
Cet
essai, étayé de percutantes citations, enchantera ceux qui se sont
donné pour compagnon de route l'ermite de Sils Maria, mais aussi les
amateurs de mythe et de philosophie non conforme.
La Vie des hommes (Olivier Bardolle)
Pour
celles et ceux qui n'auraient pas fréquenté Bardolle, c'est le
moment de se lancer. Je vais peut-être faire grincer des dents, mais
il me semble plus essentiel que Muray qui tournait un peu en rond
dans le giron de ses obsessions (paix à son âme tout de même). En
tout cas, cette Vie des hommes,
des jeunes filles et de bien d'autres entités, vaut le détour.
samedi 25 juillet 2015
Les Titans et les dieux (Friedrich Georg Jünger)
Qui
s'intéresse à la mythologie n'apprendra rien d'essentiel à la
lecture de ce choix de textes issus de trois ouvrage de F. G. Jünger
(le frère de Ernst). Ce livre a cependant deux mérites :
remettre en mémoire les principaux épisodes et traits relatifs au
Mythe, et faire connaître un auteur assez peu traduit en français.
L'ouvrage aurait pu s'appeler ''Les Titans et les Géants contre les
dieux'', car c'est en gros le thème de cette compilation. Il y est
aussi question de la place de l'homme, technicien qui « s'est
donné pour but de dompter subjuguer par la violence la nature
élémentaire », dixit Jünger. Du côté des Titans, il y a
Prométhée, l'ami de l'homme, animé d'une réelle volonté propre.
Un chapitre de l'ouvrage est titré « L'homme titanesque » ;
l'homme y est vu comme plaçant « une confiance sans borne dans
ses propres forces (…) à la manière de Prométhée ». C'est
une des parties la plus intéressante de ces pages avec les deux
longues évocations de Pan et de Dionysos, peut-être les figures les
plus proches de l'homme avec Prométhée, du moins les plus impliqués
dans la vie de celui-ci. Ici, Jünger prend le temps de développer
son sujet. Pan, mi-homme, mi-dieu dans l'apparence qu'il se donne,
s'endort quand le soleil est au zénith et brûlant, à midi.
« Il est nu, il se couche à la belle étoile, mariage et
propriété ne sont pas son affaire. » Il est rétif à la
ville, contrairement à Dionysos aux multiples
figures, tantôt éphèbe, tantôt vieux, chauve et
barbu,« dieu à transformations et qui transforme les
humains ». Si le dieu au thyrse commerce lui aussi avec les
nymphes, il est très entouré – ménades, félins, taureaux,
serpents –, et les cortèges ainsi formés autour de lui viennent à
la ville pour célébrer des fêtes où, bien sûr, le vin n'est pas
absent. Dionysos aime la foule en fête, il est « éveilleur de
tout plaisir profond, explorateur des cimes et des abîmes de la
vie ». Jünger déplore, à juste titre, d'avoir tourné le dos
à cette « festivité de la vie », telles les Grandes
Dionysies de mars à Athènes ou la Fête des fous de Noël au Moyen
Âge. Et il demande : « qu'avons-nous que l'on puisse
mettre à la place ? » (On n'a toujours pas la réponse.)
On
trouve également une place pour Zeus, Apollon, les héros Héraclès
et Achille, ainsi que des propos sur le mythe et la tragédie d'un
réel intérêt. Si Dionysos est à « l'origine de toute
représentation du mythe sur la scène tragique », le mythe,
quant à lui, « n'entre pas dans les spéculations sur
l'éternel et l'infini. Pour lui, les dieux sont là dans leur
présence impérissable ». C'est ce qui fait toute la
différence avec une religion historique qui opère un clivage entre
temporel et spirituel et ne se risque pas aux représentations.
À
noter, en fin de volume, une intéressante biographie rédigée par
Alain de Benoist.
Inscription à :
Articles (Atom)