lundi 15 mars 2021
Push ! (Tommy Caldwell)
Voici le palpitant récit d'un homme d'action. Caldwell s'adonne tôt à la pratique de l'escalade, initié par un père qui lui laisse les coudées franches, au risque de faire de son fils un dirtbag, un de ces grimpeurs fauchés pour qui rien d'autre ne compte que traquer la sensation forte. Finalement, le jeune Tommy commence à gagner des compétitions et vit de ses sponsors. Il fixe son QG au cœur du mythique Yosemite où il va fréquenter des individus hors du commun (comme Dean Potter). Mais Caldwell ne se cantonnera pas à cette Mecque de la grimpe. Il roulera sa bosse du côté des montagnes d'Asie centrale où il sera pris en otage avec ses compagnons de cordée par des djihadistes. Plus tard, ce sera la traversée du Fitz Roy en compagnie d'un autre grimpeur d'exception, Alex Honnold. La perte d'un index ne découragera pas notre héros de continuer à aligner les exploits. En particulier avec la première ascension réussie du Dawn Wall, une des parois les plus lisses de la planète. Après sept années de tentative et neuf jours à batailler dans la voie, la victoire est enfin au rendez-vous, et quelle victoire ! Caldwell nous offre 600 pages d'aventures intenses qui donnent envie de mordre dans la vie. Un hymne à la puissance et au dépassement tout à fait bienvenu en ces temps de confinement.
dimanche 31 janvier 2021
La religion dans la démocratie (Marcel Gauchet )
Les avalanches de Sils-Maria (Michel Onfray)
L'homme qui arrêta d'écrire (Marc-Édouard Nabe)
La force de l'imaginaire + Ecosophie (Michel Maffesoli )
Cet essai de Michel Maffesoli ne délaisse pas le domaine de
la postmodernité, dont le sociologue s'est fait un des théoriciens
reconnus.
Mais il s'attaque plus précisément ici à une pensée
alourdie par les préjugés et les scléroses. Pas de révélations
de ce côté, cette
bien-pensance qui ne pense pas est toujours constituée des
mêmes : journalistes, universitaires (les inénarrables
« enseignants-chercheurs »)
et toute une frange d'« eunuques de la pensée »
plus aptes à moraliser la vie publique qu'à tenter de la
comprendre. Déconnectés du réel, ces esprits sans esprit,
arrogants et assurés de l'infaillibilité de leurs jugements,
continuent à raisonner dans l'entre-soi.
Supplétifs d'une bureaucratisation qui a déconnecté les
élites du peuple, ils contribuent à
cautionner un système fondé sur le mensonge et le simulacre.
D'où la perte de leur
crédibilité médiatiquement parlant (et qu'ils trouvent,
évidemment, injuste). On assiste dès lors à une compétition
sous-jacente entre ordre rationnel et ordre émotionnel. À
cet égard, Maffesoli
pointe cette « raison sensible » (oxymore pleinement
assumé par l'auteur) surgie face aux rigidités du rationalisme
moderne venu saturer l'idéal démocratique. Il annonce un
retour du lien social conditionné par l'imaginaire et l'immatériel
(coutumes, traditions, sagesse populaire, mythes).
Bref, un vivre ensemble qui n'a rien de fabriqué ou d'artificiel,
mais revêt une réelle signification.
Michel Maffesoli propose dans ce nouvel essai une plongée dans le naturalisme. Il est lucide sur la façon avec laquelle la modernité considère la nature, comme une chose inerte, sans âme, sans immanence dont on ne pourrait retirer un quelconque enseignement par la seule expérience. Il perçoit aussi cette dichotomie entre les puissants, installés dans leurs privilèges et préjugés, et le peuple, doté d'une « connaissance ordinaire » pleine de bon sens, qui n'a pas renoncé à s'enraciner. Si Maffesoli se fait parfois un peu trop optimiste, en particulier sur les facultés de jugement des nouvelles générations pour lesquelles le « retour aux racines » reviendrait à l'ordre du jour (c'est à voir), son essai n'en est pas moins instructif et édifiant. Notamment à l'heure où l'écologie voudrait s'accorder avec le rationalisme mondialiste et indifférentialiste. Face aux adeptes de Faust et de Prométhée, l'auteur encourage à penser autrement, non comme ces armées de bien-pensants qui disent savoir et qui ne savent pas. Nous ne sommes pas loin de penser comme lui.
Vermilion Sands (J.G. Ballard)
Vermilion Sands, agglomération perdue dans les sables et les lacs asséchés, au milieu de nulle part, constitue le cadre des nouvelles de ce livre. Elle est peuplée, mais aussi hantée, d'êtres évanescents, de belles femmes neurasthéniques, de poètes, de peintres, de cinéastes désœuvrés, de bâtiments désaffectés survolés par des raies géantes où se déroulent des réunions nocturnes. On y trouve aussi des objets animés, appartements et vêtements, des insectes couronnés de pierres précieuses et des nuages que des avions sculptent avec leurs ailes. Autour de ces thèmes futuristes, Ballard réussit à installer une atmosphère envoûtante, à la fois lourde et légère, où les personnages perdent pied. Un classique de la science-fiction.
Le Manufacturier (Mattias Köping)