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mardi 19 juillet 2022

La panthère des neiges (Sylvain Tesson)

 


Sylvain Tesson devrait s'économiser. Depuis son accident à Chamonix, sa colonne vertébrale est endommagée. Mais notre wanderer ne lâche pas prise. S'il ne peut plus porter de sac, ce n'est pas pour autant qu'il va renoncer au voyage et à la découverte. C'est ainsi qu'il se greffe sur une expédition constituée de photographes animaliers, direction le Tibet. Il avait besoin de renouer avec l'aventure, s'accusant au passage d'avoir passé trop de temps à la ville. Le voilà parti sur les traces d'un félin dont ne subsistent que quelques milliers de spécimens, difficile à approcher car vivant en altitude aux confins du monde. L'affût, l'immobilité, à quoi Tesson n'est pas vraiment habitué, le rendent plus méditatif que dans ses précédents livres. Il parie pour la poésie contre la science. Il traque l'apparition, découvre une face cachée du monde, inattendue, qui ne se dévoile qu'aux hommes de bonne volonté, amoureux et respectueux de la profusion de la vie. Un récit parfois désenchanté mais toujours vivifiant.

mercredi 10 septembre 2014

Drôme provençale


Au mont Lozère


Présence de la nature (Marcel Conche)


Marcel Conche, fils de paysans corréziens, est professeur émérite à la Sorbonne. Il est connu pour ses écrits sur les philosophes grecs. Ses maîtres et compagnons de route se nommant Héraclite, Démocrite et Platon, il est normal qu'il ait fait appel à eux pour rédiger cet essai sur et autour de la nature. On s'aperçoit en le parcourant que le domaine est vaste, qu'il permet de disserter sur le néant, le monde, l'univers et bien d'autres aspects ou non aspects de notre environnement immédiat. C'est aussi pourquoi, outre les philosophes atomistes, Conche convoque la pensée d'Epicure, de Pascal et de Montaigne pour tenter d'appréhender la nature et en particulier à déterminer quelle est sa relation au temps. A la suite d'Heidegger, il explore les chemins de l'être et de l'étant. Tout cela nous ramène immanquablement à l'intelligence, aux sens et à cette « nuit que l'homme est à lui-même », pris entre fini et infini.

La matière de ce livre, suite de textes inédits, parus dans des revues ou prononcés lors de conférences, autorise aussi son auteur à emprunter quelques chemins de traverse. A cette pudeur qui le caractérise, il confie la difficulté de penser en s'extrayant de l'actualité, du non durable, ainsi que s'y sont astreints ses prédécesseurs grecs. Qu'est-ce qui peut garder une signification à n'importe quel stade de l'histoire humaine ? questionne-t-il. La réponse est sans détour : aller à l'essentiel, nous déposséder de l'ostentatoire, des richesses et de la notoriété ; voici au fond l'axe principal de la philosophie.Il n'est du reste nul besoin d'avoir usé les bancs de l'Université pour « gagner » en authenticité. Une forme de vie qui ne peut être conçue qu'en prêtant l'oreille à ces démons qui invitent à la désobéissance civile.
Dans la dernière partie de l'ouvrage, Conche décrypte la poésie de Rimbaud – tout comme celle contenue dans la correspondance de Rosa Luxemburg. Puisque la poésie est fondée à s'exprimer sur la Nature et ses arcanes (selon Heidegger, il n'est pas de meilleure approche du langage que cet art qui nomme le sacré).
Conche est un penseur atypique. Il l'a montré dans ses livres. Présence de la nature ne déroge pas à cette règle. Il sort du lot de la production actuelle où Onfray s'enfonce dans le verbiage, Comte-Sponville dans la vulgate et Ferry dans sa vaine (bien que courageuse) tentative passée d'appliquer quelques préceptes de la République de Platon à l'éducation de nos enfants. Une lecture parfois ardue mais d'un intérêt certain.


A Oppède-le-Vieux


Cèdres


Walden (Henry D. Thoreau)


C'est un livre phare, autobiographique, qui raconte la vie du poète Thoreau dans une cabane perdue au milieu des bois deux années durant ('expérience qu'a réitéré Sylvain Tesson durant 6 mois en Sibérie). Ces phrases extraites de l'ouvrage illustrent sa démarche. « Vers la fin de mars 1845, j'empruntai une hache et m'en allai dans les bois près de l'étang de Walden, près de l'endroit où j'avais l'intention de bâtir ma maison (…). Je m'en allais dans les bois parce que je voulais vivre sans hâte, faire face seulement aux faits essentiels de la vie, découvrir ce qu'elle avait à m'enseigner, afin de ne pas m'apercevoir, à l'heure de ma mort, que je n'avais pas vécu. » Thoreau se raconte, fait partager ses réflexions sans véritable projet ou plan. Il erre au gré de sa fantaisie et sous la prose se révèle sa poésie. L'auteur de Désobéissance civile, qui fut incarcéré pour avoir refusé de payer l'impôt, semble avoir trouvé dans la forêt une sérénité, celle inspirée par une vie simple et rude mais où la méditation garde sa place. Thoreau : un maître zen d'Occident !

mardi 9 septembre 2014

Cabane dans le ciel


Mangrove (Guyane)


Lac de Sils (un 31 décembre)


Plaine de la Queyrie


Antartida (Francisco Coloane)





Les romans de Francisco Coloane sont courts, guère plus longs que les nouvelles qui ont fait son succès (Cap Horn, Tierra del Fuego). L'écrivain chilien va à l'essentiel, économisant au lecteur de longues scènes descriptives ou d'interminables études psychologiques. Il brosse néanmoins avec un talent sûr le tableau de paysages et d'atmosphères propres à la Patagonie qu'il connaît bien pour y avoir exercé divers métiers. C'est aussi sans doute pourquoi l'âpre caractère de ses personnages, marins ou paysans, y est d'une grande justesse. Dans Antartida, on retrouve Alejandro, héros du dernier mousse (roman paru dans la même collection). Mais aussi le vent, les grands espaces, l'entêtante proximité du Cap Horn et le goût du défi.

Chez Coloane, l'aventure, même si elle n'est pas spectaculaire, est toujours au rendez-vous. Et c'est un vrai bonheur que d'embarquer avec lui.