mardi 19 juillet 2022
Le Parthénon (François Queyrel)
Histoire mouvementée que celle du Parthénon. C’est à se demander comment ce monument de la mémoire européenne est encore debout. François Queyrel, spécialiste de l’archéologie grecque, nous livre tout ce qu’il convient de savoir sur cette institution vieille de plus de vingt-cinq siècles, refuge d’Athéna Polias, déesse de la cité et de la victoire, et symbole de notre histoire. L’édifice a subi les outrages du temps, mais également des invasions et des batailles. Ses frises ont été saccagées, démantibulées, dispersées dans divers musées. Queyrel a procédé à une reconstitution des quatre frontons, en particulier grâce au travail d’un artiste qui les a reproduites avant l’explosion de 1687 – alors que le monument, occupé par les Ottomans, servait de dépôt de munitions ! – et, entre autres déprédations, le pillage du Britannique Elvin.
Une étude intéressante qui s’attarde peut-être un peu trop sur la description des frises mais qui a le mérite de ne rien omettre de l’histoire comme du devenir du monument ancré dans le sol sacré de l’Acropole. « Le Parthénon, incarne véritablement les dieux d’Athènes en les liant à la Terre mère », écrit Queyrel. Aujourd’hui, il est pour nous bien plus que cela ; souvent pillé, dégradé, profané, mais toujours debout !
1939-1945, une enfance en sursis (Jean-Claude Favrit)
Comme le précise le sous-titre de l'ouvrage, l'auteur avait douze ans en 1938 et il a vu la guerre arriver. Et puis le malheur, les privations, les cataclysmes. De ces années, Jean-Claude Favrit (père de notre collaborateur Bruno Favrit) se souvient précisément. Il en a rédigé la narration, au grand âge de 93 ans, avec une hauteur de vue qui permet d'apprécier les événements dans toute leur dimension, ainsi que les conséquences qu'ils portaient en eux. Riche d'enseignements, d'anecdotes et de réflexions, cette Enfance en sursis permet aussi de réviser l'Histoire, mise en perspective avec un récit efficace, sans pathos mais émouvant et attachant.
La Nostalgie du sacré (Michel Maffesoli)
Michel Maffesoli continue à porter son regard sur ce monde qui bascule, sortant d'une modernité agonisante pour entrer dans une ère qui n'en est pas moins exempte d'incertitudes. Ce seul basculement réjouit le sociologue. Il en attend beaucoup, peut-être un peu trop. Mais il est intéressant de le suivre dans ses multiples développements à l'heure où les mentalités universalistes continuent d'idéaliser un monde « en mouvement », où évolue un individu égalisé et hors sol. Car il faut bien se rendre à l'évidence, cette modernité finissante croule sous le poids de la morale, des interdits, des tabous et de la repentance. L'entrée dans la postmodernité est, autant que faire se peut, supposée nous débarrasser de toutes ces vieilles lunes. Elle est plus particulièrement marquée par le retour du sacré. Qui s'exprime essentiellement dans le catholicisme et son incontestable côté polythéiste – entre autres, le culte de la mère et des saints. Ici se tient en effet le réceptacle des traditions et du génie artistique européen. Si Maffesoli avance des analyses parfois discutables, en particulier sur la résurgence des traditions et un regain des pratiques religieuses auxquels il déclare assister, son essai constitue néanmoins un fécond moment de lecture.
La vacance (Raymond Espinose)
La Lettre à Helga (Bergsveinn Brigisson)
Parvenu au soir de sa vie, Bjarni confie à Helga les sentiments qu'il éprouvait pour elle quand il élevait ses brebis au cœur de l'Islande sauvage. Le sujet pourrait paraître banal mais la puissance de l'écriture donne au livre de Brigisson toute sa saveur. Ce court roman épistolaire relate aussi l'histoire d'un homme partagé entre l'amour de la terre ancestrale et la pressante « nécessité » d'aller vivre à la ville, de céder à ses instances et tentations. Un récit, peut-être inspiré de La faim, premier roman de Knut Hamsun, tant on retrouve des similitudes entre les deux narrateurs qui semblent se complaire dans leur condition en éprouvant de réelles difficultés à analyser la conduite ambiguë qui les anime. Singulier récit mais plein de souffle, d'air pur et de poésie. Ce qui suffit déjà à nous le rendre attachant.
La panthère des neiges (Sylvain Tesson)
Sylvain Tesson devrait s'économiser. Depuis son accident à Chamonix, sa colonne vertébrale est endommagée. Mais notre wanderer ne lâche pas prise. S'il ne peut plus porter de sac, ce n'est pas pour autant qu'il va renoncer au voyage et à la découverte. C'est ainsi qu'il se greffe sur une expédition constituée de photographes animaliers, direction le Tibet. Il avait besoin de renouer avec l'aventure, s'accusant au passage d'avoir passé trop de temps à la ville. Le voilà parti sur les traces d'un félin dont ne subsistent que quelques milliers de spécimens, difficile à approcher car vivant en altitude aux confins du monde. L'affût, l'immobilité, à quoi Tesson n'est pas vraiment habitué, le rendent plus méditatif que dans ses précédents livres. Il parie pour la poésie contre la science. Il traque l'apparition, découvre une face cachée du monde, inattendue, qui ne se dévoile qu'aux hommes de bonne volonté, amoureux et respectueux de la profusion de la vie. Un récit parfois désenchanté mais toujours vivifiant.
lundi 15 mars 2021
Push ! (Tommy Caldwell)
Voici le palpitant récit d'un homme d'action. Caldwell s'adonne tôt à la pratique de l'escalade, initié par un père qui lui laisse les coudées franches, au risque de faire de son fils un dirtbag, un de ces grimpeurs fauchés pour qui rien d'autre ne compte que traquer la sensation forte. Finalement, le jeune Tommy commence à gagner des compétitions et vit de ses sponsors. Il fixe son QG au cœur du mythique Yosemite où il va fréquenter des individus hors du commun (comme Dean Potter). Mais Caldwell ne se cantonnera pas à cette Mecque de la grimpe. Il roulera sa bosse du côté des montagnes d'Asie centrale où il sera pris en otage avec ses compagnons de cordée par des djihadistes. Plus tard, ce sera la traversée du Fitz Roy en compagnie d'un autre grimpeur d'exception, Alex Honnold. La perte d'un index ne découragera pas notre héros de continuer à aligner les exploits. En particulier avec la première ascension réussie du Dawn Wall, une des parois les plus lisses de la planète. Après sept années de tentative et neuf jours à batailler dans la voie, la victoire est enfin au rendez-vous, et quelle victoire ! Caldwell nous offre 600 pages d'aventures intenses qui donnent envie de mordre dans la vie. Un hymne à la puissance et au dépassement tout à fait bienvenu en ces temps de confinement.