Il
semble que depuis le fondamental L'Ombre de Dionysos
(''contribution à une sociologie de l'orgie''), Michel Maffesoli
écrive le même livre, persistant à prédire le retour de Dionysos
face à un Prométhée bien mal
en point. Mais il est bien peu question d'érotisme dans
cet Homo eroticus. Il y a beaucoup de redites et l'auteur suit
tant bien que mal le plan qu'il s'est ''imposé'' (?). Il se dégage
cependant de ce nouvel essai sa marque de fabrique, un style toujours
animé de la même alacrité et qui tranche nettement avec la morne
et sage production actuelle. Sa vision de la société tend à
interpréter plutôt qu'à fournir des cartouches. Mais Maffesoli ne
s'interdit pas de prôner dans le même temps une affirmation de la
vie et de pointer cette banalité du quotidien que l'intelligentsia
ne sait plus décrypter. Face à l'idéal démocratique « s'élabore
un idéal communautaire », où s'affirment les diversités, où
l'instinct a un rôle à tenir. Et face aux révélations
rationnelles du ''monodéïsme'' judéo-chrétien s'exprime
l'hédonisme qui s'abreuve à l'essence secrète des choses. Il y a
tout d'abord des mots d'ordre obsolètes, avec lesquels l'émotion ne
veut plus avoir à compter (citoyen, projet, liberté, démocratie.)
Il y a également une versatilité des opinions politiques, une
puissance, celle de la vie, qui vient contrarier les pouvoirs
institués. Il y a des ''tribus'', des cohésions, un vitalisme de
terroir, des moments festifs, des solidarités organiques cédant la place aux solidarités mécaniques. Rien qui n'obéisse en fait à
l'injonction de la reductio ad unum, autrement dit : à
l'uniformité. Il y a une société, officieuse, polythéiste, où
l'essence de l'homme est davantage que l'homme seul. Dans nos
démocraties prétendument individualistes s'éploient des lieux qui
font lien, de même qu'un certain mimétisme balise un être-ensemble
d'ordre surtout émotionnel. « À l'universalisme moderne
répond, pour le meilleur et pour le pire, le localisme
postmoderne », souligne Maffesoli. L'écosophie, quand des
communautés se dressent contre le processus de dévastation du
monde, en est une illustration
évidente.
Mais
qu'on ne s'y trompe pas, Maffesoli ne réduit pas l'appartenance à
l'identité ; il prête à l'acteur de la postmodernité
plusieurs masques, le dote d'identifications multiples, voire
mouvantes. La société officieuse, cette des communautés, de
leur mouvement profond et de leur ''savoir clandestin'', témoigne
d'un enracinement dynamique –
nullement archaïque, comme les médias voudraient le faire accroire
–, constituant une force anomique, qui embarrasse les sciences
sociales. C'est le petit peuple, tel que le définit Carl Schmitt,
dont les médias taxent de populiste tout ce qui prétend s'adresser
à lui, que l'État centralisateur a nommé dédaigneusement plèbe,
qui est sociétal avant d'être social, qui se tient dans les
interstices d'une histoire qui voudrait oublier ce que l'espèce a
pour elle d'imprévisible, de dionysiaque.
Cette force instinctuelle non rationnelle qui sert de fondement à
l'existence, ce grouillement, ce vitalisme, quoique pas toujours
structuré, vide le terme ''Contrat social'' de son caractère
incantatoire.
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