vendredi 5 septembre 2014

Homo eroticus (Michel Maffesoli)


Il semble que depuis le fondamental L'Ombre de Dionysos (''contribution à une sociologie de l'orgie''), Michel Maffesoli écrive le même livre, persistant à prédire le retour de Dionysos face à un Prométhée bien mal en point. Mais il est bien peu question d'érotisme dans cet Homo eroticus. Il y a beaucoup de redites et l'auteur suit tant bien que mal le plan qu'il s'est ''imposé'' (?). Il se dégage cependant de ce nouvel essai sa marque de fabrique, un style toujours animé de la même alacrité et qui tranche nettement avec la morne et sage production actuelle. Sa vision de la société tend à interpréter plutôt qu'à fournir des cartouches. Mais Maffesoli ne s'interdit pas de prôner dans le même temps une affirmation de la vie et de pointer cette banalité du quotidien que l'intelligentsia ne sait plus décrypter. Face à l'idéal démocratique « s'élabore un idéal communautaire », où s'affirment les diversités, où l'instinct a un rôle à tenir. Et face aux révélations rationnelles du ''monodéïsme'' judéo-chrétien s'exprime l'hédonisme qui s'abreuve à l'essence secrète des choses. Il y a tout d'abord des mots d'ordre obsolètes, avec lesquels l'émotion ne veut plus avoir à compter (citoyen, projet, liberté, démocratie.) Il y a également une versatilité des opinions politiques, une puissance, celle de la vie, qui vient contrarier les pouvoirs institués. Il y a des ''tribus'', des cohésions, un vitalisme de terroir, des moments festifs, des solidarités organiques cédant la place aux solidarités mécaniques. Rien qui n'obéisse en fait à l'injonction de la reductio ad unum, autrement dit : à l'uniformité. Il y a une société, officieuse, polythéiste, où l'essence de l'homme est davantage que l'homme seul. Dans nos démocraties prétendument individualistes s'éploient des lieux qui font lien, de même qu'un certain mimétisme balise un être-ensemble d'ordre surtout émotionnel. « À l'universalisme moderne répond, pour le meilleur et pour le pire, le localisme postmoderne », souligne Maffesoli. L'écosophie, quand des communautés se dressent contre le processus de dévastation du monde, en est une illustration évidente.
Mais qu'on ne s'y trompe pas, Maffesoli ne réduit pas l'appartenance à l'identité ; il prête à l'acteur de la postmodernité plusieurs masques, le dote d'identifications multiples, voire mouvantes. La société officieuse, cette des communautés, de leur mouvement profond et de leur ''savoir clandestin'', témoigne d'un enracinement dynamique – nullement archaïque, comme les médias voudraient le faire accroire –, constituant une force anomique, qui embarrasse les sciences sociales. C'est le petit peuple, tel que le définit Carl Schmitt, dont les médias taxent de populiste tout ce qui prétend s'adresser à lui, que l'État centralisateur a nommé dédaigneusement plèbe, qui est sociétal avant d'être social, qui se tient dans les interstices d'une histoire qui voudrait oublier ce que l'espèce a pour elle d'imprévisible, de dionysiaque. Cette force instinctuelle non rationnelle qui sert de fondement à l'existence, ce grouillement, ce vitalisme, quoique pas toujours structuré, vide le terme ''Contrat social'' de son caractère incantatoire.



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