Pour nous entretenir
de la folie monothéiste – du moins des folies que génère et
entretient la foi en un Dieu conceptualisé –, le philosophe Peter
Sloterdijk ne va pas faire dans l'euphémisme. Il commence par
associer les adeptes des différentes religions révélées à des
patients sous Prozac ou Valium eux-mêmes éduqués par des
fondateurs en état d'excitation « maniaco-apocalytiques ».
Après quoi, l'auteur sonne le rappel de quelques éléments
historiques marquants.
La chrétienté en
premier lieu qui, de persécutée, devient persécutrice dès lors
qu'elle s'allie au pouvoir séculier. Paul de Tarse et saint Augustin
vont nettement contribuer à doter cette forme de religion, à la
base juive déviante, d'une forte charge de ''névrotisation''. La
théorie de la prédétermination, telle qu'ils l'énonçaient et la
soutenaient, tendait à envoyer en effet la majorité des âmes en
enfer sans possibilité de rachat. Il faudra attendre les XIIème et
XIIIème siècle pour que l'invention du purgatoire vienne atténuer
le « système le plus abyssal de l'histoire des religions ».
Vinrent ensuite les
ordres missionnaires, ainsi que la Réforme. Catholicisme et
protestantisme vont dés lors travailler, selon Sloterdijk, à
établir un « universalisme incontrôlé », à la nature
hystérique, débouchant lui-même sur un « fascisme du bien ».
Lorsqu'il traite de
l'islam, l'auteur n'est pas plus tendre. Il rappelle que Mohammed
était davantage guerrier que prophète. Les conquêtes militaires
qui suivirent la mort de celui-ci ne sont donc pas fortuites. La
bigoterie orientale mit un terme aux conquêtes, à la science et aux
arts. L'islam (qui signifie « soumission ») n'a plus été
alors qu'une suite d'inclinations et de prosternations. Tout rentra
dans la récession et l'obscurantisme ranci. Aux croisades
succédèrent de nouvelles humiliations dues à la colonisation. Ce
qui a partiellement permis à ces pays de sortir du marasme c'est la
découverte du pétrole sur leur sol et l'expansion démographique de
leurs populations. Mais ils se heurtent désormais et douloureusement
à la modernité... Une nouvelle forme de domination et d'humiliation
puisqu'elle pointe la nature de leur arriération.
Sloterdijk évoque
ensuite, et plus généralement, les déficiences qu'entraînent chez
l'homme l'adoption d'une religion et qui le maintiennent dans un
statut d'infériorité et d'acculturation permanents – névroses,
servitudes, expiations. Mais les Lumières, note-t-il, furent
également une forme de religion, « monothéiste de niveau
supérieur », dans laquelle quelques articles de foi universels
ont acquis une validité dogmatique. Il en sera de même avec le
communisme au « caractère haïssable (…) qui a atteint un
niveau bien plus élevé que sous l'hitlérisme » en terme de
destruction de vies humaines. Ainsi, les drames chinois et soviétique
furent une « parodie de l'histoire de la religion ». Il
n'en reste pas moins que, toute dictature évacuée, ce sont les
mêmes codes religieux traditionnels qui continuent à dicter les
modes de conduite et de pensée. Et c'est bien la croyance en
« l'homme universel » qui a abouti au chaos
indifférentiel contemporain. Comme quoi universalisme rime bien avec
folie et archaïsme. À cette situation, Sloterdijk ne livre pas
vraiment de solution (même s'il prend soin d'invoquer les Grecs et
Nietzsche), mais il encourage à ce que les religions historiques
soient vues avec cette potentialité à affecter gravement les
esprits et les intelligences qu'elles portent en elles depuis
toujours.
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