lundi 8 septembre 2014

La folie de Dieu (Peter Sloterdijk)


Pour nous entretenir de la folie monothéiste – du moins des folies que génère et entretient la foi en un Dieu conceptualisé –, le philosophe Peter Sloterdijk ne va pas faire dans l'euphémisme. Il commence par associer les adeptes des différentes religions révélées à des patients sous Prozac ou Valium eux-mêmes éduqués par des fondateurs en état d'excitation « maniaco-apocalytiques ». Après quoi, l'auteur sonne le rappel de quelques éléments historiques marquants.

La chrétienté en premier lieu qui, de persécutée, devient persécutrice dès lors qu'elle s'allie au pouvoir séculier. Paul de Tarse et saint Augustin vont nettement contribuer à doter cette forme de religion, à la base juive déviante, d'une forte charge de ''névrotisation''. La théorie de la prédétermination, telle qu'ils l'énonçaient et la soutenaient, tendait à envoyer en effet la majorité des âmes en enfer sans possibilité de rachat. Il faudra attendre les XIIème et XIIIème siècle pour que l'invention du purgatoire vienne atténuer le « système le plus abyssal de l'histoire des religions ».
Vinrent ensuite les ordres missionnaires, ainsi que la Réforme. Catholicisme et protestantisme vont dés lors travailler, selon Sloterdijk, à établir un « universalisme incontrôlé », à la nature hystérique, débouchant lui-même sur un « fascisme du bien ».
Lorsqu'il traite de l'islam, l'auteur n'est pas plus tendre. Il rappelle que Mohammed était davantage guerrier que prophète. Les conquêtes militaires qui suivirent la mort de celui-ci ne sont donc pas fortuites. La bigoterie orientale mit un terme aux conquêtes, à la science et aux arts. L'islam (qui signifie « soumission ») n'a plus été alors qu'une suite d'inclinations et de prosternations. Tout rentra dans la récession et l'obscurantisme ranci. Aux croisades succédèrent de nouvelles humiliations dues à la colonisation. Ce qui a partiellement permis à ces pays de sortir du marasme c'est la découverte du pétrole sur leur sol et l'expansion démographique de leurs populations. Mais ils se heurtent désormais et douloureusement à la modernité... Une nouvelle forme de domination et d'humiliation puisqu'elle pointe la nature de leur arriération.
Sloterdijk évoque ensuite, et plus généralement, les déficiences qu'entraînent chez l'homme l'adoption d'une religion et qui le maintiennent dans un statut d'infériorité et d'acculturation permanents – névroses, servitudes, expiations. Mais les Lumières, note-t-il, furent également une forme de religion, « monothéiste de niveau supérieur », dans laquelle quelques articles de foi universels ont acquis une validité dogmatique. Il en sera de même avec le communisme au « caractère haïssable (…) qui a atteint un niveau bien plus élevé que sous l'hitlérisme » en terme de destruction de vies humaines. Ainsi, les drames chinois et soviétique furent une « parodie de l'histoire de la religion ». Il n'en reste pas moins que, toute dictature évacuée, ce sont les mêmes codes religieux traditionnels qui continuent à dicter les modes de conduite et de pensée. Et c'est bien la croyance en « l'homme universel » qui a abouti au chaos indifférentiel contemporain. Comme quoi universalisme rime bien avec folie et archaïsme. À cette situation, Sloterdijk ne livre pas vraiment de solution (même s'il prend soin d'invoquer les Grecs et Nietzsche), mais il encourage à ce que les religions historiques soient vues avec cette potentialité à affecter gravement les esprits et les intelligences qu'elles portent en elles depuis toujours.


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