mardi 9 septembre 2014

Les Olympiques (Henry de Montherlant)


Voici un livre évoluant entre le récit, la nouvelle, l’essai et la poésie. Il va bien au-delà de la seule idée du sport et de la compétition puisqu’il décrit des personnages cherchant à échapper à leur condition d’êtres promis à la déchéance, exhortant à un nécessaire dépassement. On y trouve évoqué tant l’aspect aristocratique que démocratique de toute activité physique où la force puise dans l’esthétique et l’ordre… Vertus qui se retrouvent dans un monde païen jadis habitué à triompher et à se surpasser. Montherlant jubile en associant le sport au jeu et à une certaine idée d’accomplissement individuel. « On redonne vie au vieux principe qui gouverne le monde antique. » De Coubertin n’en est pas le seul artisan. Il a seulement témoigné de ce désir de retrouver une grandeur passée.
Tandis que Montherlant, s’avoue incapable « d’aimer dans la faiblesse » – et comment le pourrait-il lorsqu’on a parcouru son œuvre ? –, il compose Les Olympiques, avec le souvenir d’avoir arpenté la cendrée des stades, tapé dans le ballon, toréé, guerroyé. Il est homme qui conjugue la littérature et l’action, pour qui le sport est une déclaration de guerre à soi-même. A 45 ans, il a composé ces pages avec toute la lucidité de celui qui entre dans son acmé : « Il n’est aucune sorte de jeunesse vers laquelle un homme mûr, ou sur son déclin, puisse se retourner avec autant d’approbation heureuse, que celle qu’il passa dans les stades, sous le sourire de ces trois divinités : celle de la « gymnastique », celle de la poésie, et celle de l’amitié. (…) Une jeunesse athlétique contient assez de richesse, et de richesse diverse, pour nourrir en quelque chose chaque moment de notre développement intérieur et chaque étape de notre destinée. »
La boxe, le football, la course à pieds, ne constituent que des supports à son discours. Ces Olympiques sont traversées par la statuaire athlétique grecque, des visions de jeunes filles à l’entraînement subjuguées par l’effort et la volonté de vaincre en pleine lumière, lorsqu’il n’est plus possible de « raconter d’histoires ». Le corps se dévoile dans un stade devenu terrain de vérité, dans un monde d’où l’apparence est évacuée, hors la profusion des discours, la manipulation et la tromperie. « De même que nous modelons notre corps par des exercices appropriés, des massages appropriés, voire un régime approprié, nous devons sans cesse modeler notre être jusqu’à ce qu’il remplisse tout l’espace délimité par nos possibles, jusqu’à ce que nous soyons exactement et parfaitement ce que nous sommes. »
Un chapitre comme Le trouble dans le stade, dont est tiré cet extrait, constitue à lui seul un traité d’éveil à la vie et à la victoire, à cette victoire qui, si elle est petite, n’a que le goût de la défaite.
Comment se procurer ce livre ? Le fait qu’il ne soit plus réédité, sinon dans un volume de la Pléiade, donc à un prix peu accessible, nous édifie assurément sur la puissance dangereuse de son contenu. Il faudra donc arpenter les bouquinistes pour dénicher ce bréviaire de grande santé qui vient compléter les thèmes (la guerre du Songe et la tauromachie des Bestiaires) chers à l’un des écrivains les plus roboratifs de notre littérature.

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