Voici un livre évoluant entre le
récit, la nouvelle, l’essai et la poésie. Il va bien au-delà de
la seule idée du sport et de la compétition puisqu’il décrit des
personnages cherchant à échapper à leur condition d’êtres
promis à la déchéance, exhortant à un nécessaire dépassement.
On y trouve évoqué tant l’aspect aristocratique que démocratique
de toute activité physique où la force puise dans l’esthétique
et l’ordre… Vertus qui se retrouvent dans un monde païen jadis
habitué à triompher et à se surpasser. Montherlant jubile en
associant le sport au jeu et à une certaine idée d’accomplissement
individuel. « On redonne vie au vieux principe qui gouverne le
monde antique. » De Coubertin n’en est pas le seul artisan.
Il a seulement témoigné de ce désir de retrouver une grandeur
passée.
Tandis que Montherlant, s’avoue
incapable « d’aimer dans la faiblesse » – et comment
le pourrait-il lorsqu’on a parcouru son œuvre ? –, il compose
Les Olympiques, avec le souvenir d’avoir arpenté la cendrée des
stades, tapé dans le ballon, toréé, guerroyé. Il est homme qui
conjugue la littérature et l’action, pour qui le sport est une
déclaration de guerre à soi-même. A 45 ans, il a composé ces
pages avec toute la lucidité de celui qui entre dans son acmé :
« Il n’est aucune sorte de jeunesse vers laquelle un homme
mûr, ou sur son déclin, puisse se retourner avec autant
d’approbation heureuse, que celle qu’il passa dans les stades,
sous le sourire de ces trois divinités : celle de la « gymnastique
», celle de la poésie, et celle de l’amitié. (…) Une jeunesse
athlétique contient assez de richesse, et de richesse diverse, pour
nourrir en quelque chose chaque moment de notre développement
intérieur et chaque étape de notre destinée. »
La boxe, le football, la course à
pieds, ne constituent que des supports à son discours. Ces
Olympiques sont traversées par la statuaire athlétique grecque, des
visions de jeunes filles à l’entraînement subjuguées par
l’effort et la volonté de vaincre en pleine lumière, lorsqu’il
n’est plus possible de « raconter d’histoires ». Le
corps se dévoile dans un stade devenu terrain de vérité, dans un
monde d’où l’apparence est évacuée, hors la profusion des
discours, la manipulation et la tromperie. « De même que nous
modelons notre corps par des exercices appropriés, des massages
appropriés, voire un régime approprié, nous devons sans cesse
modeler notre être jusqu’à ce qu’il remplisse tout l’espace
délimité par nos possibles, jusqu’à ce que nous soyons
exactement et parfaitement ce que nous sommes. »
Un chapitre comme Le trouble dans le
stade, dont est tiré cet extrait, constitue à lui seul un traité
d’éveil à la vie et à la victoire, à cette victoire qui, si
elle est petite, n’a que le goût de la défaite.
Comment se procurer ce livre ? Le
fait qu’il ne soit plus réédité, sinon dans un volume de la
Pléiade, donc à un prix peu accessible, nous édifie assurément
sur la puissance dangereuse de son contenu. Il faudra donc arpenter
les bouquinistes pour dénicher ce bréviaire de grande santé qui
vient compléter les thèmes (la guerre du Songe et la
tauromachie des Bestiaires) chers à l’un des écrivains les
plus roboratifs de notre littérature.
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