vendredi 5 septembre 2014

Race et culture (Claude Lévi-Strauss)


Commandé par l'UNESCO à Lévi-Strauss au lendemain de la seconde guerre mondiale pour étayer les théories antiracistes, ce petit essai n'a pas exactement rendu l'effet escompté. Car il a été composé par un homme de terrain, qui ne s'en laissait pas conter par les idéologies utopistes. L'ethnologue commence en effet par poser la question de l'avance prise par la civilisation de l'homme blanc sur les autres. Ce constat pointe la notion de diversité culturelle et le paradoxe exprimé dans toute tentative de relativiser ces cultures. Un phénomène qui sert bien mal toute affirmation d'une égalité absolue et naturelle des races et/ou des cultures. Une fois l'attirail rhétorique évacué, on réalise qu'il n'y a rien d'abstrait dans les héritages traditionnels. Et on voit que l'homme a bien du mal à prôner l'enrichissement des différences tout en niant celles-ci – théories de l'ethnocentrisme. Autant la notion d'évolution biologique est vérifiée, autant les aspects sociaux et culturels restent flous. Et ce qui nous trompe sur les cultures autres, c'est d'abord le système de références occidental, l'idée que nous nous faisons du progrès.
Lévi-Strauss note déjà, en 1952, à l'heure où la colonisation commence à prendre fin, que l'ensemble des nations tend à emprunter le mode de vie des pays riches, à se distraire et à penser, au détriment de ses appartenances. C'est pourquoi il n'est pas souhaitable, pour leur préservation, que les peuples et les civilisations intègrent un corpus unique, car ce serait assister à l'avènement d'une humanité ossifiée. Certes, ajoute-t-il, tout processus renferme une contradiction en ce que l'unification comme la diversification ne peuvent être totales, mais il faut garder à l'esprit que l'altérité valide et vitalise les appartenances.

Depuis la parution de ce petit essai, et jusqu'à sa récente disparition, Lévi-Strauss a précisé sa pensée, en particulier à propos du discours antiraciste dont il a bien compris les failles. Quoi qu'on en pense, quoi qu'on en dise : l'individu a besoin de se sentir appartenir pour se singulariser et exister par rapport à l'autre ; différent au sein de son ethnie même et comme élément organique de cette ethnie, en tant qu'actrice et composante de l'histoire de l'humanité.

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