Les
Années d'utopie, ce sont les années 1968 et 1969, si bien nommées
par Jean-Claude Carrière qui les a connues à New-York, Prague et
Paris.
A
New-York, en 1968, à l'ombre de la Beat generation,
la libération sexuelle a atteint un degré dont on ne peut même pas
rêver aujourd'hui. C'est aussi le temps de Taking off
et de Greetings, du
phénomène Beatles en plein trip hindou et du magazine Playboy.
A Prague envahie par l'armée soviétique, on comprend mal (et
surtout Milos Forman, ami de l'auteur) le phénomène mai 68 qui veut
hisser le drapeau rouge là-bas alors qu'on veut l'abattre ici.
L'auteur rappelle au passage le désastre de Yalta : « « Toute
une grappe de peuples se retrouve sous le marteau-pilon du
marxisme-léninisme par un trait de plume de trois vieillards. »
Il remémore l'immolation de Jan Palach par laquelle celui-ci
dénonçait l'utopie des utopies : la délation et le goulag.
Carrière n'est pas plus tendre avec le mai 68 parisien. Il rappelle
que le revirement gaulliste succéda au chaos comme un événement
logique. 1969, c'est l'année des exactions de la bande à Baader et
des Brigades Rouges (415 assassinats, plus de 15000 attentats !).
On se projette aussi hors du monde réel en recourant aux paradis
artificiels. La question essentielle devient : « What
are you on ? » (Sur
quoi es-tu, que prends-tu en ce moment ?) Un autre monde.
Soient
deux années fertiles en rebondissements, mais surtout en errances et
errements... Il y a bien d'autres révélations, remarques et rappels
historiques utiles dans ce récit de souvenirs qui constitue un livre
émouvant, certes drôle mais aussi lucide, puisqu'il contribue au
déboulonnage de ce qui voudrait encore faire passer une névrose
petite-bourgeoise pour un grand élan de générosité.
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