Un
esprit qui a écrit sur la décadence de son pays, et qui a fréquenté Ernst Jünger, a forcément des qualités. Il suffit en
tout cas de se plonger dans l'oeuvre d'Emil Cioran pour en mesurer
toute la dimension. Il faut savoir que sa vie n'est pas moins
ordinaire. C'est celle d'un "métèque", ainsi qu'il se
définit, qui a bien su profiter du système (on en connaît de moins
utiles et productifs...). Après avoir assidûment fréquenté le
restaurant universitaire, Cioran se voit signifier, à 40 ans, que
les vivres lui seront coupés. Mais le contribuable ne doit pas
regretter d'avoir encouragé ce parasitage puisqu'il a permis
d'enrichir considérablement notre patrimoine littéraire. Gabriel Liiceanu a bien connu ce porteur de
mauvaises nouvelles et calomniateur de l'univers ; il nous livre non
pas une étude sur son oeuvre complexe et non idéologiquement
convenue, mais des confidences sur une vie assez mal connue.
Découvrir l'homme avant ses idées est aussi une façon d'aborder
celles-ci. Ce petit livre agrémenté de photos donne en tout cas au
néophyte l'envie d'en savoir plus sur celui qui a mis un point
d'honneur à fuir la notoriété. Et cette lucidité, qui lui a
paradoxalement tant manqué à la fin de sa vie, est exposée en fin
de volume avec pudeur mais sans artifices.
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